Alireza Rôshan & Djalâl-Od dîn Rumî

Djalâl-od Dîn Rumi , مولوی

Djalâl-od Dîn Rumi , مولوی

Né à Balkh en 1207, dans l’actuel Afghanistan, Rumî part étudier à Damas et à Alep où il a probablement rencontré Ibn Arabî. Il devient professeur de théologie à Konya, dans l’actuelle Turquie. C’est en 1244, alors qu’il est déjà entouré de disciples, qu’il rencontre un homme dont on sait peu de choses : Shams de Tabriz, شمس تبریزی. C’est sous son influence que Rumî écrivit ses livres les plus incandescents. . Après la mort de Shams de Tabriz, Rumî institue le samâ’, سماع, une danse mystique.

Ses livres les plus mémorables sont le Livre du Dedans, فیه مافیه en persan, فیه ما فیه en arabe, les Odes mystiques ou le Mesnavi, مثنوی معنوی. Rumî a fondé l’ordre des Mawlawi, qu’on appelle aussi derviches tourneurs.

Nahal Tajadod a écrit sa biographie dans un roman, Roumi, le brûlé, où elle raconte la rencontre de Rumî avec Shams de Tabriz : soudain, à quarante ans, marié et père de famille, théologien reconnu, il rencontra un derviche errant de soixante ans, un homme frileux, étrange et provocant. Les deux hommes s’enfermèrent ensemble pendant quarante jours et, lorsque Roumi sortit de cette retraite, il dansait. Il était littéralement devenu un autre homme. Il abandonna ses disciples et se mit à chanter des vers inoubliables.

Cet événement extraordinaire demeure énigmatique, et la métamorphose d’un théologien en poète d’amour fou pose mille questions. La première, à laquelle répond le roman de Nahal Tajadod, est celle-ci : Pourquoi un homme, sachant que son amant est menacé d’être assassiné s’il quitte la demeure où ils sont enfermés, lui dit néanmoins : « sors » ? La flûte, pour devenir une flûte, doit se séparer du roseau. C’est une séparation déchirante, qui équivaut à une mort. Mais comment, sans cela, le roseau pourrait-il chanter ?

Dans la nuit, la femme que j’aime m’envoie un poème de Rumî :

Je l’ai étreinte, et mon âme, après celà, la désirait encore. Et pourtant, qu’y a-t-il qui rapproche plus que l’étreinte ? Et j’ai baisé sa bouche pour étancher ma soif, mais ce qu’elle y goûtait n’a fait que l’enflammer. Ah ! La fièvre de mon cœur ne saurait être coupée tant que nos deux âmes ne se seront pas entrepénétrées.

Un poème d'André Verdet

Un poème d’André Verdet

Et en lisant les mots de Rumî au réveil, en relisant des pages du livre de Nahal Tajadod, c’est à Alireza Rôshan que je pense, emprisonné à Téhéran le 5 septembre 2011 pour avoir défendu et pratiqué la danse mystique instituée par Rumî au 13e siècle. À Saint Paul de Vence, en juin 2013, l’association des Amis d’André Verdet attribuait le premier Prix du poète résistant à Alireza Rôshan, publié en France par Danièle Faugeras, dans la collection PO&PSY aux éditions Eres. Serge Pey présidait le jury, et ça lui ressemble que d’attribuer ce prix à un poète derviche emprisonné. Honneur à Serge Pey, et c’est notre rôle que d’empêcher qu’on oublie le poète André Verdet, qu’on empêche le poète Alireza Röshan de croupir dans l’oubli et le silence des prisons iraniennes.

Au matin, je réponds à l’aimée et au poème de Rumî par deux poèmes de Rôshan, recopiés dans un ancien numéro de la revue Décharge :

le poème c’est l’instant de ta présence
lorsque tu pars
il s’écrit

elle est partie ?
donc elle était là
donc elle est

Aujourd’hui, mercredi 18 mars 2015, aucune nouvelle d’Alireza Rôshan qui semble avoir été libéré de sa prison, après une année de détention au cours de laquelle il a écrit d’autres poèmes et un roman. A une question posée par ses traducteurs, il avait répondu que « dans les périodes de bouleversement, on va chercher la poésie. On se réfugie dans la poésie qui propose d’autres mots ».
T.