Nous sommes les oiseaux qui annoncent le grand changement

Dans ses Fragments verticaux, Roberto Juarroz a écrit que nul ne possède rien. Que pour posséder quelque chose, il est nécessaire de se mettre à nu, de s’emparer de son centre et d’avoir un endroit où le protéger. Pour posséder une rose, nul ne peut la dévêtir de ses pétales et retenir son arôme. J’aime les chemins de pensée de Juarroz, quand il finit par écrire que les mains de l’homme sont toujours des mains vides. Que peut-être notre exercice fondamental consiste à aimer et écrire avec les mains vides.

Et ce matin, Elisabeth Benichou m’apprend que sur le mur de son immeuble, à Athènes, quelqu’un a écrit cette phrase en français : Nous sommes les oiseaux qui annoncent le grand changement. Comment la remercier de m’envoyer ces neuf mots qui rechargent l’espérance ? Je ne sais pas. Je crois que j’attendais cette phrase depuis plusieurs années. Que je n’en pouvais plus tellement je l’attendais.

Et puis ce sont les mots de Rosa Luxemburg que Sandrine m’a apportés comme une autre réponse. Une réponse aussi inattendue qu’une offrande par écrit : Sur la pierre de mon tombeau, on ne lira que deux syllabes : « tsvi-tsvi ». C’est le chant des mésanges charbonnières que j’imite si bien qu’elles accourent aussitôt. Et figurez-vous que dans ce « tsvi-tsvi » qui, jusque-là, fusait clair et fin comme une aiguille d’acier, il y a depuis quelques jours un tout petit trille, une minuscule note de poitrine. Et savez-vous, Mademoiselle Jacob, ce que cela signifie ? C’est le premier léger mouvement du printemps qui arrive. Malgré la neige, le froid et la solitude, nous croyons – les mésanges et moi – au printemps à venir ! Et si, par impatience, je ne devais pas vivre ce printemps, n’oubliez pas que sur la pierre de ma tombe, on ne devra rien lire d’autre que « tsvi-tsvi ».

T.