Peretz Markish dans les poubelles de l’Europe

 

À Gaëlle Fernandez Bravo

Peretz Markish street, Pollonye, Ukraine

Rue Peretz Markish à Pollonoye, en Ukraine

Quelqu’un avait jeté l’anthologie de la poésie yiddish à la poubelle, à Sète. Je trouve ça nul. Qu’un abruti puisse condamner d’un seul geste «Le Miroir d’un peuple» – c’est l’autre titre que l’éditeur avait donné à cette anthologie de plus de 600 pages – à la poubelle et à la destruction par le feu, c’est monstrueux et banal à la fois. Mais quand même j’avais eu de la chance. J’avais trouvé le livre alors qu’il faisait nuit, une nuit sans lune et sans la moindre étoile. Je l’avais emporté avec moi malgré les salissures, et oublié sur ma table, dans la maison abandonnée. Plus tard, j’avais nettoyé la couverture du livre avec un peu d’eau tiède, puis je l’avais rangé dans une caisse à vin qui me sert d’étagère, juste à côté de ces poèmes qu’Uri Orlev avait écrits dans son enfance, enfermé derrière les barbelés de Bergen-Belsen. Un livre un peu sacré dans ma bibliothèque, et pour plusieurs raisons que je ne sais pas toutes expliquer. L’une des raisons, la plus ancienne, c’est que les poèmes aient été traduits par Sabine Huynh, qui est poète et vit sa vie de mère et d’écrivain à Tel Aviv, pendant qu’Uri Orlev écrit des livres pour les enfants à Jerusalem.

Peretz Markish par Marc Chagall

Portrait de Peretz Markish par Marc Chagall, 1923

J’ai pensé à cet exemplaire d’Anne Frank que Tibishane m’avait ramené d’une poubelle d’Arles. Ça m’avait mis en colère qu’on puisse jeter ce livre-là, précisément ce livre-là qu’avait écrit une enfant juive avant d’être arrachée à son enfance. Ce journal a toujours eu quelque chose de sacré à mes yeux. Le balancer aux ordures était un geste sacrilège et Tibishane, en l’extirpant des sacs de déchets, avait endossé le rôle d’un sauveur imprévu. Et Tibishane est d’abord ferrailleur : il fouille le soir dans les poubelles pour y trouver de l’or. Et s’il n’y a pas d’or au moins un peu de cuivre. Et s’il n’y a pas de cuivre au moins des livres qu’il me ramène comme un cadeau de tous les soirs.

Peretz Markish

Peretz Markish

Dans les poubelles des villes du sud, il y a des poèmes écrits par des Juifs, des romans écrits par des Russes encore en vie, des Antillais en exil ou des Arabes en colère, des autobiographies venues d’Inde et d’Afrique ou des chroniques écrites à Istanbul, le monde est devenu littérature jetée à la poubelle et la littérature coule dans mes veines. L’immense bibliothèque des répudiés du monde entier se trouve dans ces tas d’épluchures et d’emballages déchirés que les éboueurs emportent dans leurs camions jusqu’aux incinérateurs de déchets.

Peretz Markish lisant son appel, en 1941, au sein du Comité juif antifasciste

Peretz Markish lisant son appel, en 1941, au sein du Comité juif antifasciste

Hier matin, j’ai décidé d’ouvrir l’Anthologie de la poésie yiddish. Et de commencer à lire des poèmes, ceux de Peretz Markish que je ne connaissais pas. Parce qu’il y a des cigognes dans deux de ses poèmes, et j’ai pris ça pour un signal, une sorte de seuil par où j’allais pouvoir entrer dans les poèmes d’un inconnu.

Premier poème, un fragment de Chutes de neige :

Tempête aux milliers d’ailes
Agrippe en tes griffes mon ventre
— À l’altitude des cigognes
Dans l’éblouissement s’embrase ma tour blanche —
Ni l’argile, ni la brique,
Et ni les mains, ni les chaînes
— De blanches filles écumantes,
Des plumes extirpées des ventres
Et vers les bas s’agenouillent les hauts
— Je suis de nouveau
Je suis de nouveau !…
Tempête aux milliers d’haleines
Sur ma gorge un entrelacs blanc
— Tourbillonnez blancs incendies
Plus vite, vents, toujours plus vite
Cils de l’orage en rage, émiettez-moi,
Vent, allume les lunes blanches
— Versez par les bouches, versez par les outres,
Répandez par-devant, répandez par-derrière
Blanc soufflet et blanc forgeron,
Je suis de nouveau,
Je suis de nouveau !…

Peretz Markish

Peretz Markish

Choisis et traduits par Charles Dobzynski, qui est poète lui aussi, j’ai l’impression que chaque poème de Markish a gardé une grande part de sa puissance en français. C’est la magie des grands passeurs. Dans l’anthologie, il y a une vingtaine de poèmes de Markish, juste assez pour commencer à fasciner. Par exemple Les Amants du ghetto, qui commence par deux vers en coup de poing :

Frénésie pour le sang et le vin. La nuit tombe
Soudain sur le ghetto : C’est la nuit du bourreau —

Esther Markish, l'épouse de Peretz

Esther Markish, l’épouse de Peretz

Chaque poème a ses flammèches à l’intérieur des mots, petite lumière à partager. Et puis il y a des incendies, ils habitent eux aussi dans sa langue. Ne serait-ce que sa devise, que j’ai trouvée sur le site d’Esprits nomades.  le site de Gil Pressnitzer : «Par des sentiers ardus jusqu’aux étoiles.» Comment ne pas faire le lien avec la langue stellaire de Khlebnikov, celle qu’il cherchait dans les méandres de la Volga et jusqu’au Kazakhstan. Ils sont nés à dix ans d’intervalle. Khlebnikov en 1885 dans la steppe, pas très loin d’Astrakhan. Markish en 1895 à Pollonoye, une petite ville d’Ukraine où aujourd’hui, on peut trouver une rue Peretz Markish. Ils ont pu se connaître tous les deux. Ils étaient à Moscou à peu près aux mêmes dates. J’ai cherché dans les photos, si je tombais sur leurs visages côte à côte. Rien trouvé. Je chercherai encore.

Peretz Markish lors de l'enterrement de son ami, le comédien Solomon Mikhoels, en janvier 1948

Peretz Markish lors de l’enterrement de son ami, le comédien Solomon Mikhoels, en janvier 1948

En 1952, Markish a été tué d’une balle dans la nuque dans les caves de la Loubianka. C’est le portail de ce haut-lieu de la terreur que Piotr Pavlenski avait incendié, dans la nuit du dimanche 8  novembre 2015. Markish avait croupi trois années en prison, avant d’être condamné à mort et aujourd’hui, c’est Pavlenski qui est enfermé dans une cellule de Fleury-Mérogis, pour avoir mis le feu à un bâtiment de la Banque de France. Comme tous les poètes yiddish du Comité juif antifasciste, Markish était accusé de nationalisme juif dans un pays malade de la paranoïa du Kremlin. «Le groupe yiddish au sein de l’Union des écrivains était de proportion modeste, écrit Myriam Anissimov dans sa biographie de Vassili Grossman : quarante-cinq écrivains à Moscou, vingt-six à Kiev et six à Minsk. Cinquante-deux d’entre eux allaient payer de leur vie le fait d’être juifs, d’écrire dans une langue juive et d’avoir été membres du Comité juif antifasciste.»

Mais à mesure que je lis les poèmes de Markish, je sais que leur beauté aura plus d’importance à l’avenir que la pauvre folie de Staline. Sinon pourquoi est-ce qu’on écrit des poèmes ?

Je recopie encore un fragment de l’anthologie, pris à Tombée de la nuit.

Une cigogne de bois, le bec longiligne
Se tient, tube aspirant, au bord du puits du soir,
Sur un long pied décharné
Picorant, d’un chant craquetant
La lune toute nue, sur un plateau bleu…
Écorchés tout entiers les cieux,
Tailladés et troués
Par la douleur au loin de l’aboiement des chiens
Et par le pas des mots martèlement ténu
Mais les rues se divisent — leur tension se brise en silence
Et les maisons — par-dessus les toits aux yeux de nuées
Jouent timides, plus bas, plus bas.

Regard de Peretz Markish

Regard de Peretz Markish

Et enlisant Gil Pressnitzer, j’apprends que Markish a été l’ami de Chagall, et ça me fait plaisir d’imaginer ces deux-là discutant, à Paris, pendant que Chagall dessinait le très beau visage de Markish à trente ans. Les poèmes de Peretz ne forment pas encore ce continent d’Eurasie qu’ils deviendront plus tard, avec ses fleuves et ses mers intérieures, mais Markish écrit déjà beaucoup, des poèmes avant tout mais aussi un scénario, des romans et des articles. Un seul roman a été traduit en français, toujours par Dobzynski, mais il est aujourd’hui épuisé. Je vais continuer de chercher ses poèmes, les recopier à l’intérieur d’Un cahier rouge.  Je crois qu’il y a des traductions en anglais, des textes aussi en russe, mais la plupart des grands poèmes des années trente ont été écrits en yiddish.

Il ne faut pas laisser Markish dans l’ombre que notre oubli dessine au fil des jours. Et empêcher qu’on puisse jeter  ses poèmes à la poubelle. Comme un autodafé en douce. Qu’on fasse au moins une loi, en Europe, pour interdire que les poèmes yiddish des poètes assassinés par Staline puissent finir dans un incinérateur de déchets.

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Anthologie de la poésie yiddish, Le Miroir d’un peuple. Présentation, choix et traduction de Charles Dobzynski, Poésie Gallimard, 2000.

Contre Iouri Dmitriev, les bourreaux défendent les bourreaux

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Iouri Dmitriev

Quand j’ai entendu la première fois parler de Iouri Dmitriev, c’était dans un roman d’Olivier Rolin, Le Météorologue. Dmitriev y était ce personnage absolument magnifique qui avait la particularité d’appartenir à la réalité russe d’aujourd’hui, et d’être encore en vie. «À présent, notre guide va être Iouri Dmitriev, un de ces personnages comme il semble que seule la Russie peut en produire. La première fois que je le rencontre, c’est dans une baraque à l’intérieur d’une zone industrielle en ruine entourée de hauts murs, à la lisière de Pétrozavodsk, la capitale de la  Carélie. Portiques rouillés, montagnes de pneus usagés, tuyauteries tordues, tas de vieilles gaines d’amiante, carcasses automobiles, sous des nuages bas qui semblent érafler les cheminées de briques : Iouri est le gardien de ces lieux où se concentre et s’épure une qualité d’abandon qui caractérise nombre de paysages urbains ou périurbains russes. Émacié, barbe et cheveux gris tenus par un catogan, vêtu d’une vieille veste de treillis de l’armée, il promène au milieu des épaves une dégaine de fol-en-christ mâtiné de vieux pirate pomore. « En 1989, raconte-t-il, une excavatrice a déterré par hasard un tas d’ossements humains. Les fonctionnaires locaux, les chefs militaires, la Procurature, tout le monde est venu voir, personne ne savait que faire, personne ne voulait prendre de responsabilités. Si vous n’avez pas le temps, ai-je dit, moi je vais m’en occuper. Il a fallu deux ans pour prouver qu’il s’agissait de victimes des « répressions » (c’est ainsi qu’on désigne ces massacres en Russie, répressia). On les a enterrés dans l’ancien cimetière de Pétrozavodsk. Après la cérémonie, mon père m’a avoué que son père avait été arrêté et fusillé en trente-huit. Jusque-là, on me disait que le grand-père était mort, point. lors est venu le désir de connaître le destin de ces gens, et j’ai commencé à travailler, avec Ivan Tchoukine dont j’étais l’adjoint, au Livre de la mémoire de Carélie, qui réunit des notices sur quinze mille victimes de la Terreur. Pendant plusieurs années, je suis allé travailler aux archives du FSB. Je n’avais pas le droit de photocopier, donc j’apportais un dictaphone pour dicter les noms et les recopier à la maison. Pendant quatre ou cinq ans, je me suis couché avec un seul mot en tête : « rastrelian, fusillé ». Et un jour de mars 1997, on a mis une autre table dans le local des archives, pour un couple qui recherchait le dossier Matveïev et enquêtait sur l’histoire du convoi des Solovki. C’était Irina et Véniamine Ioffé. Nous avons décidé de réunir nos efforts et l’été suivant, en juillet 1997, on est allé sur le terrain, avec ma fille et la chienne Sorcière

Par la suite, le roman d’Olivier Rolin raconte les recherches menées par le trio, d’abord aidé par des soldats russes. Le romancier décrit ensuite un lieu difficile d’accès, Sandarmokh, «le marais de Zacharie», au bout d’une route en terre. «Sur un rocher, à l’entrée du site, aujourd’hui, cette seule inscription : Lioudi, nié oubivaïtié droug drouga, «Hommes, ne vous tuez pas les uns les autres.» C’est là qu’en 1997, Iouri Dmitriev va exhumer 236 fosses communes renfermant les restes de 9.000 fusillés. En 2003, il découvre les lieux d’inhumation de plusieurs milliers de détenus morts lors de la construction du canal Baltique-Mer Blanche (1931-1933). En 2006, les fosses communes où étaient jetés les morts et les fusillés du camp des Solovki.

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Nicolas Werth

En décembre 2016, Iouri Dmitriev a été jeté en prison sur la base d’un dossier qui semble monté de toute pièce. En janvier 2017, dans une tribune publiée par Libération, l’historien Nicolas Werth lançait un appel pour la libération de Dmitriev. En avril, Piotr Pavlenski attirait lui aussi l’attention sur la manière dont le régime russe tente de réduire l’historien au silence. Au mois de juin, c’était au tour de Ludmila Oulitskaïa de lancer un appel, que nous reprenons ici, dans Un cahier rouge.

Messieurs et camarades !
Ce n’est pas à ceux qui défendent Iouri Dmitriev que je m’adresse, c’est à ceux qui le persécutent. Autrefois, nous pensions que les gens se divisaient en bourreaux et en victimes, mais il s’avère que c’est plus bien compliqué : dans chaque personne, il y a à la fois un bourreau et une victime. Et ce que nous voulons devenir dépend de notre choix personnel, du choix de chacun de nous.

L’histoire montre que le pouvoir n’offrait aux bourreaux aucune garantie de longue vie, dans les fosses communes reposent ensemble aussi bien les victimes que les bourreaux devenus victimes par la volonté du pouvoir.

Iouri Dmitriev, qui vit en Carélie, une terre remplie d’innocents qui ont été exécutés et dont le souvenir a presque disparu, a voulu faire une chose très simple : rendre leurs noms à tous ces gens. « Un homme doit être enterré comme un être humain», ce sont ses mots, et depuis des décennies, il ne fait que cela. Il y a consacré sa vie.

Je m’adresse à ceux qui le persécutent à cause de cela. Je veux que vous sachiez QUI vous persécutez.

L’orthodoxie russe a une particularité : parmi nos saints, outre des guerriers qui ont versé beaucoup de sang et perpétré de nombreux crimes (il y en a des comme ça!), figurent de nombreux « fols-en-Christ », ces saints ascètes qui passent pour des simples d’esprit et qui, sous couvert de folie, dénoncent les tares de ce monde.

Regardez ce qui se passe : dans cette parodie de justice qui se déroule aujourd’hui, n’est-ce pas cette singularité emblématique de l’orthodoxie qui se fait jour?

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Iouri Alekseïevitch Dmitriev

Voilà un homme dévêtu, pieds nus, un simple d’esprit d’après les critères de ce monde, d’une franchise allant jusqu’à la grossièreté, un « anargyre », un homme totalement désintéressé dans ce monde de profits, qui a entrepris d’accomplir un exploit dépassant les forces d’une seule personne, et qui s’acquitte de cette tâche tout seul – pour nous tous, pour vous tous.

Et pour cette raison, on l’a arrêté, on l’a enfermé dans une cellule d’isolement, et on rend « une justice inique ».

C’est cette même justice qui, dans les années 30, représentée par des « troïka » et des « dvoïka », a condamné à mort des centaines de milliers de nos compatriotes – nos grands-parents, à vous et moi.
Et l’affaire pour laquelle on essaye de le condamner est aussi fausse que les centaines de milliers d’affaires qui sont conservées dans les archives du KGB des années 30, lesquelles ne sont toujours pas ouvertes à ce jour.

Les bourreaux défendent les bourreaux. Et ils le font selon un vieux procédé éprouvé : en recourant à des accusations mensongères. Cette fois, ils se sont servi non d’un de ces chefs d’accusation banals dont le KGB est coutumier – l’espionnage au profit du Japon, de l’Empire romain ou de l’Atlantide, ou encore l’intention d’éliminer tous les dirigeants du Parti et du gouvernement à l’aide d’une poudre empoisonnée – mais de quelque chose de plus moderne : la pédophilie.

On s’est introduit chez lui, on a volé dans son ordinateur toutes les données concernant les inhumations, et on a trouvé quelques photographies d’une enfant nue, des photos destinées aux organes de tutelle et témoignant du fait que sa fille adoptive, qui souffrait de dystrophie quand il l’avait prise dans un orphelinat, se remettait, qu’elle grandissait, se développait et était en bonne santé. Elle travaille bien en classe, c’est devenu une sportive, elle aime beaucoup sa sœur aînée et adore son père…

Dmitriev a été arrêté, et sa fille adoptive attend le retour de son père… Il reviendra, si un tribunal complaisant ne lui colle pas dix ans de prison.

Messieurs et camarades ! Savez-vous ce que vous êtes en train de faire ? Vous êtes en train de travailler à la glorification d’un nouveau saint russe. Le cercueil de Basile-le-Bienheureux, un fol-en-Christ lui aussi, fut suivi par d’illustres boyards qu’il n’avait cessé de démasquer et dont il se moquait, il fut suivi par Ivan le Terrible en personne, qui redoutait ses accusations.

Aujourd’hui encore, il y a sur la place Rouge une église portant le nom de Basile-le-Bienheureux. Alors qu’il n’y pas de monument à Ivan le Terrible ni à son «opritchnik» Maliouta Skouratov – et j’espère qu’il n’y en aura jamais.

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Ludmila Oulitskaïa

Songez qu’il existe aussi sur le polygone de Boutovo, l’un des charniers de la Grande Terreur près de Moscou, une église des Nouveaux-Martyrs-russes, ces martyrs qui ont été exécutés dans les années 30 par une certaine organisation sanguinaire.

Vos persécutions sont une pierre que vous apportez aux fondements d’une future église à la mémoire de ceux qui veulent maintenant honorer le souvenir de ceux que vous tuez. Vous portez témoignage pour eux, vous les glorifiez pour les temps à venir.

Messieurs et camarades ! Ouvrez vos yeux ! Ouvrez vos oreilles !
Tant que nous sommes en vie, nous avons la liberté de choisir – être des bourreaux, ou ne pas en être.

Ce que Iouri Dmitriev nous dit avant tout, c’est : « Ne vous tuez pas les uns les autres ! » »

Ludmila Oulitskaïa, juin 2017
Traduit du russe par Sophie Benech

Piotr Pavlenski et le «piège de miel» du FSB

Depuis 2012, Piotr Pavlenski invente un art politique qui ressemble à une riposte intransigeante face aux propagandes du pouvoir en Russie. Ses actions lui ont valu plusieurs emprisonnements et une hospitalisation psychiatrique, comme aux beaux jours de la terreur soviétique. Mais en janvier 2017, suite aux manœuvres du FSB pour salir l’artiste, il a fini par demander l’asile politique à la France. Quelques jours après son arrivée, il intervenait au théâtre du Rond-Point, dans le cadre d’une soirée organisée par Mediapart. C’est le texte de son intervention que nous reproduisons ici, traduit par Lidia Stark.

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Piotr Pavlenski, Paris, rue de la Roquette, février 2017 © Tieri Briet

Cela fait à peine une semaine que je suis en France, et je suis obligé de passer par une interprète. Je vais essayer d’être bref. Tout d’abord je suis heureux d’être ici et je suis ravi de vous voir ici. J’ai écouté très attentivement les intervenants qui ont parlé de ce qui se passe dans le monde aujourd’hui. Et je constate que la Russie est aujourd’hui très présente dans le monde entier, elle intervient dans beaucoup de pays et conduit une politique extérieure extrêmement agressive. Vous savez un peu ce que la Russie fait sur le plan international ; je vous parlerai ce soir de ce qui se passe sur le plan national, et notamment comment la Russie détruit sa propre culture.

Je fais de l’art politique. Comment j’interprète l’art ? L’art, c’est tout d’abord le sens, et tout un travail avec ses sens. Quand je parle du sens, je parle du sens de la vie humaine, du sens de l’existence. On se pose la question : est-ce que l’homme doit être dans un état de soumission permanente ? Est-ce que l’homme doit être un matériau biologique pour l’Etat ? Ou bien, on a le choix, la vie doit être une libération. Le sens de la vie est de se libérer de cette soumission qui transforme cette existence en celle d’un bétail.

Je me suis lancé dans l’art politique en Russie en 2012. Et déjà, en 2013, j’ai ressenti cette confrontation avec le pouvoir, qui a débuté par une confrontation bureaucratique. Tout d’abord il s’agissait d’accusations mineures, administratives, sans véritable poursuites judiciaires. Ensuite les accusations sont devenues pénales. Les poursuites, les amendes, les restrictions sont devenues de plus en plus dures. Je me suis retrouvé dans la situation où je devais me présenter chez le juge dès son premier appel, et je ne devais pas quitter ma ville de résidence. Au bout de quelques années, ces menaces sont devenues réelles et j’ai été emprisonné pendant sept mois. Ce qui m’a conduit en prison, c’est le fait d’avoir montré ouvertement où se trouvait le véritable centre du pouvoir en Russie.

Je n’ai fait que rappeler ce fait puisque tout le monde est conscient que le pouvoir en Russie est concentré dans une seule structure de force, le FSB, l’ancien KGB russe. Le FSB forme des groupes militaires et paramilitaires, envoyés à l’étranger pour déclencher des conflits, ce qui a été le cas en Ukraine. C’est une organisation qui prend ses racines dans la terreur rouge. Cet état d’esprit est de plus en plus institutionnalisé.

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Piotr Pavlenski, Paris, rue de la Roquette, février 2017 © Tieri Briet

Le président actuel de la Russie, Poutine, est ce que j’appelle « la tête qui parle du FSB ». C’est un ancien collaborateur du FSB, et le fait qu’il soit aujourd’hui président de la Russie signifie que cette organisation se sente suffisamment en confiance, suffisamment légitime pour s’exprimer à travers son porte-parole, Poutine.

J’ai passé sept mois en prison et à mon grand étonnement, j’ai été libéré. J’ai été condamné à une amende et, pour avoir atteint à ce qu’il y a de plus sacré aujourd’hui au centre du pouvoir, je m’en suis très bien sorti. Et lorsque j’ai été libéré, on a entendu de nombreuses voix dire « Mais regardez, c’est un État humaniste, regardez comment il a été traité ! » « Cet homme a porté atteinte à ce qu’il y a de plus précieux et il a été pratiquement gracié ! » Mais cette libération de prison n’était qu’un élément à l’intérieur de toute une opération. D’autres pas ont été faits ensuite. Lorsque je me suis retrouvé en liberté, j’ai été approché par des personnes soit disant sympathisantes, qui me proposaient de passer à l’étape suivante, de faire des choses d’ampleur. Ils avaient, me disaient-ils, l’accès aux armes. « On pourrait prendre le Kremlin ! » Mais l’art et le terrorisme, ce sont deux choses bien distinctes. Lorsque je recevais ce genre de propositions, je disais que non, ce n’est pas mon terrain d’action, il faut aller voir quelqu’un d’autre. Il était évident qu’il s’agissait d’une provocation, et j’avais toutes les chances de subir le même sort que Oleg Sentsov, qui est emprisonné aujourd’hui en Crimée, et des terroristes de Crimée. Je ne voulais pas suivre ce chemin.

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Piotr Pavlenski, Paris, rue de la Roquette, février 2017 © Tieri Briet

Ensuite le pouvoir a fait un autre pas. Un pas inattendu aussi pour moi que pour mes proches. Mon amie la plus proche, Oksana Shalygina et moi, avons toujours revendiqué la liberté des relations. Nous avons toujours parlé du refus de l’institution du mariage et de la fidélité. Nous avons toujours considéré qu’il n’y avait rien de plus cynique que de déclarer une autre personne comme sa propriété. Nous n’avons jamais caché cette position, nous étions très clairs là-dessus. Au mois de septembre 2016, peu de temps après ma libération, nous avons été approchés par une jeune femme. Elle était comédienne dans un théâtre soit-disant d’opposition, si bien que nous n’avons pas eu de soupçons. Nous avons lié une relation avec elle. Elle a passé une soirée chez nous et par la suite, a déclaré avoir subi des violences sexuelles en réunion. Il n’y a jamais eu aucune violence. Il s’agissait simplement d’une délation de sa part. Il y a aujourd’hui une tendance très claire en Russie à accuser les opposants. Il s’agit toujours d’accusations que l’on qualifie de « sales ».

En 2014, les services secrets ont porté leur attention sur Vladimir Bukovsky. En 2016, il y a eu une histoire similaire avec le président de l’association Mémorial de Carélie, Iouri Dmitriev. Il faut savoir que Mémorial est une association russe qui fait des recherches sur l’époque stalinienne, qu’elle publie les noms de ceux qui ont commis les crimes pendant cette époque. Donc une personne de 60 ans, dont la réputation est irréprochable, a été déclarée comme fabriquant de la pornographie avec les enfants. À l’époque soviétique, le KGB employait les mêmes moyens : à l’époque, cela s’appelait « le piège de miel ». Je dois quand même reconnaître que vis-à-vis de moi, cette action du pouvoir a été une réussite. On peut constater la renaissance de la pratique de la délation en Russie, qui est devenue un outil pour nous pousser à l’exil. Mon amie la plus proche et moi n’avions pas de biens, n’étions pas liés par une institution, il était donc difficile de nous influencer. Ainsi, l’Etat a utilisé notre négation du mariage pour l’interpréter comme une violence contre l’individu. Aujourd’hui la délation a subi une évolution en Russie. On ne peut plus accuser quelqu’un de propagande anti-soviétique par exemple. La délation permet d’assurer le contrôle total sur toutes les sphères de la vie d’un homme. Il faut comprendre une chose, c’est que le totalitarisme, ce ne sont pas les camps. Le totalitarisme, ce sont des millions et des millions de citoyens qui sont prêts à écrire une lettre de délation.

Ose. Ne prie pas. Écoute-toi. Vis.

Nadejda Tolokonnikova, © Fred Kihn

Nadejda Tolokonnikova, © Fred Kihn

Jeune philosophe rêvant de révolution au pays des révolutions mortes, Nadejda Tolokonnikova fonde les Pussy Riot à 21 ans pour défendre, avec une stratégie arrachée aux Sex Pistols et aux manifestes situationnistes, l’égalité des sexes et la liberté absolue d’exprimer sa pensée. Très vite, les Pussy Riot subissent une répression politique habituelle en Russie, et c’est pour les défendre que Piotr Pavlenski se coud les lèvres de fil noir, face au tribunal de justice qui allait condamner les trois jeunes femmes aux travaux forcés, revenant aux logiques périmées du goulag soviétique.

Jour après jour, nous publierons dans Un cahier rouge les écrits de Nadejda Tolokonnikova, qui en appellent à une insurrection de la pensée contre tous les pouvoirs. Si les équipes dirigeantes du Kremlin et de la Maison blanche prétendent nous asservir, si les €urocrates et les ministres de l’Intérieur européens pensent nous endormir à coups d’état d’urgence, alors qu’à Ankara et à Damas l’AKP et le clan el- Assad continuent de massacrer leurs civils pris au piège, nous appelons à incendier les vieux symboles d’un pouvoir de plus en plus nuisible à la vie partageuse, comme Piotr Pavlenski avait pu mettre le feu aux portes du FSB, seul et ultime résistant dans la nuit moscovite.

T.

Je ne tiens plus le compte de tout ce qu’on a voulu me demander de faire : ne fais pas ci, ne t’occupe pas de ça, ne va pas là-bas. Les performances, ça ne sert à rien. Les chansons non plus. Les photos – seulement si elles sont correctes. Toutes les idées qui me viennent sont trop audacieuses ou provocatrices.

Je choisis l’action. De temps en temps, je prends un coup sur la tête à cause de ça – toute chose a ses inconvénients. Ose. Ne prie pas. Écoute-toi. Vis.

Le féminisme n’a évidemment rien de naturel pour la Russie et n’y a aucune racine. Le féminisme a pour objectif de détruire les fondements du christianisme. Le féminisme s’emploie à placer la femme au même niveau que l’homme, en lui ôtant ses privilèges. La femme se trouve ainsi séparée de l’homme. Le féminisme détruit la famille. Les droits spécifiques des hommes, des femmes, des enfants détruisent la famille. Si nous sommes gens de foi, nous devons percevoir le féminisme comme un poison qui, s’insinuant dans la conscience de la société et de la famille, rend l’être humain malheureux.
(Déclaration de l’archiprêtre Dmitri Smirnov, porte-parole de l’Église orthodoxe russe)

Nous avons toujours adoré regarder les vidéos de l’archiprêtre sur You Tube. Notre cher petit cœur, il est un de ceux qui a inspiré les Pussy Riot. Nous roulions sous la table en regardant ses interventions – et à force de nous écrouler de rire, nous avons eu l’idée un jour de créer un groupe punk féministe.

Nadejda Tolokonnikova, How to start a revolution, 2015, traduit du russe par Paul Lequesne

Nadejda Tolokonnikova, ne vous sauvez pas. Tombez amoureux

Pussy Riot

Pussy Riot

Jeune philosophe rêvant de révolution au pays des révolutions mortes, Nadejda Tolokonnikova fonde les Pussy Riot à 21 ans pour défendre, par une stratégie arrachée aux Sex Pistols et aux manifestes situationnistes, l’égalité des sexes et la liberté absolue d’exprimer sa pensée. Très vite, les Pussy Riot subissent une répression politique habituelle en Russie, et c’est pour les défendre que Piotr Pavlenski se coud les lèvres de fil noir, face au tribunal de justice qui allait condamner les trois jeunes femmes aux travaux forcés, revenant aux logiques périmées du goulag soviétique.

Jour après jour, nous continuons de publier les écrits de Nadejda Tolokonnikova, qui en appellent à une l’insurrection d’une pensée libérée de tous les pouvoirs. Si les clans dirigeants du Kremlin et de la Maison blanche prétendent encore nous asservir, si les €urocrates et les ministres de l’Intérieur européens pensent nous endormir à coups d’état d’urgence, alors qu’à Ankara et à Damas l’AKP et la clique d’el-Assad continuent de massacrer leurs peuples, nous appelons à incendier les vieux symboles d’un pouvoir qui n’est plus qu’une nuisance, comme Piotr Pavlenski avait pu mettre le feu aux portes du FSB, dans la nuit moscovite.

T.

Pussy Riot

Pussy Riot

3. Des raisons pour quitter la Russie, les gens en ont des tas. En général, ils en ont beaucoup moins pour rester. Les raisons qui poussent à rester se révèlent en revanche plus essentielles. On a envie d’y compatir, on a envie de s’y rallier.

— Pourquoi je ne pars pas ? Je vis ici… c’est ici que je ressens des choses, c’est ici que je… tombe amoureuse.

Ne vous sauvez pas. Tombez amoureux.

Moscou, aéroport de Cheremetievo. On vient juste de rentrer de Russie. Le douanier prend mon passeport, le passe dans l’ordinateur, le reprend, l’examine. Décroche le téléphone. Demande :
— Tolokonnikova Nadejda Andreïevna. Elle peut entrer ?
Il écoute les instructions, hoche la tête. Puis tamponne le passeport, m’invite à avancer.
Suivante : Macha. Le douanier entre entre ses données dans la machine et soupire.
— Mademoiselle, qu’est-ce qui se passe d’habitude pour vous à la douane ?
— ???
— Oui, quand vous passez la frontière et qu’un gars comme moi est assis là, qu’est-ce qu’il fait ? Il appelle son supérieur ?
— Honnêtement, je ne sais pas. Pourquoi, j’ai tout faux là-dedans ? Demande Macha en désignant du menton l’ordinateur.
— Pas exactement tout, mais vous savez, ce n’est pas terrible.

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Nadejda Tolokonnikova,
How to start a revolution, 2015, traduit du russe par Paul Lequesne

Pussy Riot & Nadejda Tolokonnikova, le pouvoir ici c’est nous

pussy-2Jeune philosophe rêvant de révolution au pays des révolutions mortes, Nadejda Tolokonnikova fonde les Pussy Riot à 21 ans pour défendre, avec une stratégie arrachée aux Sex Pistols et aux manifestes situationnistes, l’égalité des sexes et la liberté absolue d’exprimer sa pensée. Très vite, les Pussy Riot subissent une répression politique habituelle en Russie, et c’est pour les défendre que Piotr Pavlenski s’est cousu les lèvres de fil noir, face au tribunal de justice qui allait condamner les trois jeunes femmes aux travaux forcés, revenant aux vieilles logiques du goulag soviétique.

Jour après jour, nous publions les écrits de Nadejda, qui en appellent à une insurrection de la pensée contre tous les pouvoirs. Si les équipes dirigeantes du Kremlin et de la Maison blanche prétendent nous asservir, si les €urocrates et les ministres de l’Intérieur européens pensent nous endormir à coups d’état d’urgence, pendant qu’à Ankara et à Damas l’AKP et le clan d’el-Assad continuent de massacrer leurs peuples, nous appelons à incendier les vieux symboles d’un pouvoir périmé, vite, comme Piotr Pavlensky avait pu mettre le feu aux portes du FSB, dans la nuit moscovite.

T.

2. Le pouvoir, ici, c’est nous.

Russians by Birth, Rebels by Choice.

Quand l’aiguille, brutalement, transperce l’ongle et pénètre la chair, les cinq premières secondes la conscience n’analyse pas ce qui se passe. Ni le mal ni rien. Cinq secondes plus tard, la vague de douleur déferle : ouah ! Regarde, l’aiguille te traverse le doigt. Voilà pourquoi tu ne peux pas retirer ta main. C’est tout simple.

Tu pourras rester cinq minutes seule à seule avec ta phalange abîmée, mais pas plus. Il faut continuer à coudre. Tu t’es déjà planté l’aiguille dans le doigt, non ? Comment ça un pansement ? D’où veux-tu qu’on le sorte ? Tu es dans la zone, ma petite.

Alors tu couds. Tu trembles – non de douleur, mais d’étonnement : on vient de pénétrer ton doigt pour la première fois. Considère qu’on t’a ôté ta virginité. C’est un grand événement.

Nadejda Tolokonnikova, How to start a revolution, 2015, traduit du russe par Paul Lequesne

Pussy Riot & Nadejda Tolokonnikova, ébranler ce foutu système politique

nadejda-t-1Jeune philosophe rêvant de révolution au pays des révolutions mortes, Nadejda Tolokonnikova fonde les Pussy Riot à 21 ans pour défendre, avec une stratégie arrachée aux Sex Pistols et aux manifestes situationnistes, l’égalité des sexes et la liberté absolue d’exprimer sa pensée. Très vite, les Pussy Riot subissent une répression politique habituelle en Russie, et c’est pour les défendre que Piotr Pavlenski se coud les lèvres de fil noir, face au tribunal de justice qui allait condamner les trois jeunes femmes aux travaux forcés, revenant aux vieilles logiques du goulag soviétique.

Jour après jour, nous publions les écrits de Nadejda Tolokonnikova, qui en appellent à une insurrection de la pensée contre tous les pouvoirs. Si les équipes dirigeantes du Kremlin et de la Maison blanche prétendent nous asservir, si les €urocrates et les ministres de l’Intérieur européens pensent nous endormir à coups d’état d’urgence, pendant qu’à Ankara et à Damas l’AKP et le clan d’el-Assad continuent de massacrer leurs peuples en révolte, nous appelons à incendier les vieux symboles d’un pouvoir périmé, comme Piotr Pavlensky avait pu mettre le feu aux portes du FSB, dans la nuit moscovite.

T.

Si je dois vendre mon âme pour que Poutine s’en aille et qu’une politique alternative voie le jour en Russie, je le ferai.
Ne brade pas ton âme.

Développe la culture de la rébellion. Il existe une culture de l’alimentation, du cinéma, de la lecture, et il existe une culture de la révolte. Elle consiste à savoir poser les questions qui fâchent, à savoir mettre en doute et à apporter des changements.

Le 24 septembre 2011, Poutine a annoncé qu’il briguait un troisième mandat. Un troisième mandat, c’est grave. Au terme des deux premiers, Poutine a installé à sa place le pseudo-libéral Medvedev. Mais maintenant, il revient. Et le 24 septembre 2011, il est clair à présent que notre vie va changer. Clair que nous allons au devant de temps difficiles, où vivre sans mensonge deviendra une gageure. Où vivre sans mensonge deviendra pour de bon difficile.

Je tremble à la perspective de grands changements. Jamais je n’ai éprouvé un tel vertige devant des événements politiques qu’à cet automne-là.

Laisser passer cette saison politique – élections législatives et élection présidentielle -, c’est impossible. La laisser passer, ce serait commettre la plus grosse erreur de ma vie.

Alors je prends une résolution : puisse cette saison électorale devenir décisive dans mon existence. Je ferai tout pour ébranler ce foutu système politique où tout est joué d’avance.

Nadejda Tolokonnikova, How to start a revolution, 2015,
traduit du russe par Paul Lequesne