Verdict, un poème de Blaga Dimitrova

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Blaga Dimitrova

 Je ne crains pas qu’on me piétine.
Une fois piétinée, l’herbe devient sentier.

Blaga Dimitrova

Quelques jours avant noël, un livre m’est arrivé par la poste.
C’est un livre précieux, où sont recensés plus de quarante poètes bulgares, un ouvrage édité par Seghers en 1968.
Qui peut s’intéresser sérieusement aux poètes bulgares ? Le livre m’a été envoyé comme un clin d’oeil, un signe d’amitié aussi de la rédactrice du blog du petit carré jaune, où l’on recense aussi bien les livres d’Emmanuelle Pagano que ceux de Yôko Ogawa, et où on peut tout autant venir lire un poème d’Ivan Peïtchev traduit du bulgare, justement, qu’un extrait d’Eva Kristina Mindszenti, dont j’ai envie de lire le premier roman, Les Inattendus, paru chez Stock en 2007.

IMG_9933C’est dans ce livre que j’ai rencontré les poèmes de Blaga Dimitrova, dont je connaissais l’histoire sans avoir jamais rien lu de ses écrits. Ses poèmes sont aussi simples que directs, et leur force élémentaire a quelque chose d’irréparable. Bien sûr, ses livres ont été censurés et interdits dans la Bulgarie communiste, et ses poèmes ont été adaptés par Guillevic en français, présentés par Tzvetan Todorov et préfacés par Bernard Noël pour La Mer interdite, le premier recueil de Blaga Dimitrova traduit en français aux éditions Est-Ouest, en 1994. « Le plus étonnant, écrivait Bernard Noël, – et par la bien sûr résonne l’autre langue – c’est que le travail poétique aboutit à créer ici un espace en proie à des agitations comme en ont les forces naturelles, de telle sorte que de simples tropismes verbaux provoquent de grandes précipitations mentales. La discrétion, la justesse, la précision, l’acuité, la vigilance, réuississent ainsi à donner une ampleur considérable à une expression brève. »

VERDICT

Tu es condamné
à toujours débuter
jusqu’à ta fin.

Pour toi l’amour
est la soudaine découverte
d’une autre vie.

Et chaque nouveau printemps
est pour toi création sans précédent
d’un monde.

Et la route est dès lors
départ hardi sans expérience
et sans bagage.

Et chaque feuille blanche
est écriture douloureuse
de ton premier vers.

Pour toi la mort aussi
sera un commencement.
Mais de quoi ?

Traduction de V. Ionova

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Détail de la page de présentation de Blaga Dimitrova Poésie bulgare, Edt Seghers, Paris, 1968